dimanche 7 août 2011

Manifeste sur le Diplôme d'Etat d'un jeune kiné

    Cet article a été écrit en 2006 après une année travaillée en secteur hospitalier en tant que masseur-kinésithérapeute.

    Quand on est nouveau diplômé, on imagine sa profession, on l’idéalise (certainement trop !). Alors on regarde derrière soi le parcours effectué et on essaie d’établir le parallèle entre ce qu’on a appris et sa pratique quotidienne [1]. Le cursus scolaire était-il parfait ? Les terrains de stages étaient-ils aussi formateurs que ce que l’on pensait ? Et si d’autres hospices étaient envisageables ? Ma conscience [2] professionnelle me réclame un article sur ce qui est formateur et ce qui ne l’est pas ainsi la possibilité de savoir ce qui le sera deviendra limpide.


I.                   Qualité de formation

La formation de deuxième cycle se déroule en alternance entre l’école et le terrain de stage, cela permet à l’étudiant d’associer ses connaissances théoriques et la pratique sur le terrain. Si les modules scolaires disposent d’un suivi efficace, ce n’est pas le cas des stages hospitaliers. Aucun contrôle n’existe si ce n’est une signature de fin de stage servant de validation. Il arrive souvent que l’étudiant travaille au-delà de ses compétences statutaires. Cela peut aller de circonstances graves comme faire le travail d’un diplômé sans responsable présent à d’autres situations moins embarrassantes d’un point de vue professionnel mais d’autant moins constructives comme rester sans activité dans le service hospitalier. La responsabilité de la qualité du stage dépend essentiellement du formateur et de l’étudiant. La hiérarchie est présente mais ne devrait pas être un vecteur de répression mais de motivation. Afin de suivre la qualité des stages, il serait intéressant de valider une grille d’évaluation où l’intérêt serait de mettre en valeur cette « responsabilité partagée » formateur/formé[1].
Si l’obligation de valider tous les modules présents dans la formation kinésithérapique d’un point de vue scolaire existe, elle ne l’est pas en c qui concerne les stages. Hors, la M.S.P.[2] du diplôme d’Etat pose comme condition de devoir se confronter à n’importe quel patient. Dans le cas où le candidat se trouve confronté à une pathologie nouvelle par exemple dans une MSP, deux choix s’offrent au candidat face à cette situation et au patient qui lui sont inédits. Soit il refuse de réaliser le traitement sous-entendant d’être incompétent, soit il prend le risque de pratiquer pouvant être dangereux. L’omnipotence du masseur-kinésithérapeute étant à préserver, il serait logique de valider un stage par module ou du moins les primordiaux comme l’orthopédie ou la neurologie. Ainsi la capacité à s’adapter corrèlera avec le degré de confort et de sécurité offert au patient. La déontologie de la pratique kinésithérapique serait alors mieux préservée.

II.                Déroulement des épreuves du Diplôme d’Etat[3] (DE)

S’il est important de porter un regard en amont pour que le candidat puisse être évaluée de façon plus objective. Les épreuves en elles-mêmes peuvent se discuter. Notamment, lorsque le futur kinésithérapeute réalise un geste dangereux ou un traitement inadapté, il est éliminé par le jury ; sous-entendu ce n’est pas digne d’un futur diplômé. Rappelons que la majorité des soins en kinésithérapie se fait sur des patients pris en charge sur du Moyen Terme. Ce type de prise en charge permet un renouvellement et une amélioration perpétuelle de la pratique kinésithérapique au profit du patient. La MSP[4] nécessite au candidat de réaliser un bilan, un traitement et une argumentation sur un temps très restreint qui n’est plus vraiment caractéristique de notre profession. Ne dit-on pas « l’erreur est humaine » ? Il serait intéressant d’aménager un temps d’autorégulation autre que le temps de discussion lors de la MSP. En effet, l’analyse à chaud empêche le recul nécessaire sur la pratique réalisée tant pour le candidat que pou r le jury. Ainsi la discussion transposée [3] une heure plus tard pourra permettre à la pratique et à son éventuelle erreur d’être mieux mesurée.
Le diplôme d’Etat est composé aussi d’une soutenance de mémoire, portant, le plus souvent, sur la prise en charge d’un patient issu du terrain de stage référent. Beaucoup de candidats ont compris après avoir soutenu leur sujet que le jury peut ne pas avoir lu leurs travaux. En ce sens, il serait intéressant que le mémoire ait, en plus de la note orale déjà existante, une note écrite. Cela pourra nourrir alors une soutenance plus productive.

III.             Nouvelles perspectives

Beaucoup d’aspects restent tout de même positifs ; parmi lesquels il est intéressant de retenir :
-          Avoir une formation sur la base d’un mi-temps scolaire et d’un mi-temps pratique est très constructif pour les futurs diplômés.
-          Les jurys[5] du DE composés de 3 personnes permettent une objectivité notoire sur le candidat.
-          L’’existence de deux MSP bien distinctes offre l’occasion aux candidats de prouver leur omnipotence à exercer.
Cependant, des perspectives supplémentaires peuvent être proposées. Notamment, il est utile de rappeler que 70 à 80% des kinésithérapeutes exerce en milieu libéral. Or l’apprentissage de la pratique se fait à 99%[6] en milieu hospitalier. Serait-ce absurde de demander aux libéraux à participer à la formation ? Ensuite, l’attachement universitaire étant de mise, le mémoire limité à une 15aine de pages pourrait tenir une place plus conséquente dans l’évaluation et la formation afin de le hisser un travail de thèse. Enfin, la pratique hospitalière nous apprend que la kinésithérapie est utile s’il existe une cohésion entre les autres praticiens et techniciens de santé [4], autrement dit une interdisciplinarité. Cette dernière reste tristement discrète dans notre formation.

Conclusion :

            Si les masso-kinésthérapeutes ont une formation et un Diplôme d’Etat avec un socle très solide, elle n’en reste pas moins perfectible tant dans son contenu que dans son contenant. En effet, la formation kinésithérapique manque de communication entre les établissements d’enseignement et els hôpitaux accueillants les futurs praticiens. Cette cohésion déficiente se répercutera sur les conditions d’obtention du DE. De plus, une majorité de néo-professionnels iront se frotter à l’univers libéral pour des « raisons diverses et économiques », le plus souvent livrés à eux-mêmes. Il serait temps d’offrir de nouvelles perspectives à notre profession et à nos collègues. Que le Diagnostic Masso-Kinésithérapique [5] soit notre figure de proue!

Nathanaël SHAHMAEI


[1] A titre indicatif certains terrains de stage en Île de France comme l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, le CRF Villiers sur Marne ou l’hôpital Saint Maurice fonctionnent avec ce type de suivi, leur réputation auprès des étudiants atteste que la formation hospitalière doit aller dans leur sens.
[2] Mise en Situation Professionnelle
[3] Le Diplôme d’Etat se compose de :
-          2 MSP notées chacune sur 40
-          1 soutenance de mémoire notée sur 20
-          La moyenne des modules scolaires rapportée sur 20
Un total noté sur 120 pour une validation du DE à partir de 60/120.
[4] Le déroulement de la M.S.P. :
-          20 à 30mn de bilan/interrogatoire avec le patient sur surveillance d’une tierce personne
-          10mn pour exposer son bilan + diagnostic masso-kinésithérapique + objectifs/principes de rééducation du patient
-          20mn de pratique kinésithérapique sous observation du jury
-          10mn de discussion entre le candidat et le jury sur la prestation réalisée
[5] Le jury est composé d’un médecin souvent de rééducation ou en rapport’ d’un kinésithérapeute interne au service de soins et d’un cadre-kinésithérapeute externe.
[6] La formation de masso-kinésithérapie ne compte que 10h en premier cycle et 20h en deuxième cycle dans le secteur libéral.

Références :
[1] HEULEU J.-N. ; DIZIEN O. La médecine physique et de réadaptation. D’où vient-elle ? Où va-t-elle ? Annales de réadaptation et de Médecine Physique. Editions scientifiques médicales Elsevier. Menucourt/Garches, 2001, n° 44, p187-91
[2] DESCARTES R. Discours de la méthode. Editions GF Flammarion. Paris, 2000.
[3] MARTIN J. Dialoguer pour soigner. Editions Médecine et Hygiène, 2001,185p.
[4]FROMENT A. Pour une rencontre soignante. Editions des archives contemporaines, 2001,195p.
[5] VIEL E. Le diagnostic kinésithérapique. Editions Masson, Paris, 2002, 132p.

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