samedi 22 décembre 2012

Entraîneur, un métier où l’expérience est préférée à la formation initiale



Pour atteindre un degré de performance nécessitant du travail soutenu et de l’exercice physique, les activités sportives se caractérisent par une action dualiste. Un entraîneur doit pouvoir transmettre ses savoirs à son athlète par l’association d’une démarche scientifique pour sa part objective et d’une démarche empirique pour sa part subjective. En effet, l’acquisition de la performance et sa progression continue nécessitent une approche dotée d’une certaine scientificité. Mais la singularité des sportifs et la variabilité de ses entraînements auxquels il se soumet exigeront des entraineurs une approche fondée sur l’expérience déterminée de façon empirique. Rolland et Cizeron [1] ont étudié les interactions des entraîneurs nationaux de gymnastique avec leurs athlètes, les connaissances qu’ils engagent et ce qu’ils veulent transmettre. Le résumé ci-dessous énonce les différentes problématiques soulevées par les auteurs.


                D’une façon générale les connaissances technico-pratique et expérientielle sont symboliquement dominées par les connaissances théoriques et scientifiques. Les connaissances pratiques, ou opératives, que les acteurs mobilisent dans les situations de travail, différent des connaissances académiques conçues en marge de l’activité. L’éducation physique s’appuierait sur des connaissances approximatives ou fausses d’un point de vue scientifique. Par exemple, les significations des concepts d’énergie et de force variaient d’un enseignant à l’autre.
Les connaissances pratiques des entraîneurs sportifs sont fortement ancrées sur leurs expériences passées en tant qu’athlètes de haut niveau et en tant qu’entraîneur. Les expériences aident à attribuer un sens aux problématiques rencontrées. Les performances que visent les gymnastes sont des enchaînements de mouvements acrobatiques complexes. Les séries acrobatiques évoluent vers une augmentation du séjour aérien et une exécution de plus en plus rapide. Ces entraîneurs utilisent un modèle leur permettant de déterminer les connaissances importantes à utiliser pour entraîner chaque gymnaste en particulier. Il s’agit d’une organisation de connaissances en catégories qui sont elles-mêmes subdivisées en sous-catégories. L’élaboration au fil de leur expérience des images mentales jouent un rôle central dans la conception de ces progressions. Cette notion d’image mentale est proche de celle d’image opérative. Cizeron [2] souligne que les connaissances mobilisées par les entraîneurs sont essentiellement approximatives et métaphoriques. Le but de l’étude consistait à analyser les connaissances grâce auxquelles les entraîneurs experts de gymnastique rendent intelligibles les habilités gymniques. La connaissance visée est celle située dans l’action d’intervention et non celle en dehors du contexte. L’ancrage disciplinaire est celui de l’anthropologie cognitive. Cela se définit par la description de l’existence empirique des hommes ; comment ils « pensent ce qu’ils vivent et ce qu’ils éprouvent » [3].
Les observations ont porté sur les séquences d’activité des entraîneurs aux moments où ils faisaient apprendre des habiletés gymniques nouvelles. L’enquête s’est concentrée sur l’activité de 14 entraîneurs. Tous étaient d’anciens pratiquants de gymnastique artistique. 12 d’entre eux bénéficiaient de plus de 10 ans d’expérience. Cela fait 40 séances d’entraînement pour donner 104 séquences d’observation. Le recueil de données s’est fait à l’aide de deux types de matériaux complémentaires :
-   Données d’observation du flux de comportement : communications verbales, placements et déplacements, gestes, manipulations corporelles.
-  Verbalisations réflexives menées en cours d’entrainement par des séquences courtes d’entretiens ne dépassant pas de 15mn post-entrainement. Une méthodologie développée en rapprochement à la technique de l’instruction du sosie [4] car l’entraîneur adresse son discours à un pair reconnu étant le chercheur-entraîneur.

Le traitement des données s’est fait selon une analyse qualitative inductive avec méthode comparative continue. Cette analyse regroupe les éléments de contexte, les données d’observation utiles à la compréhension de la situation et de l’action d’intervention, les données d’entretien recueillies et les catégories et sous catégories induites par les dites données d’observation et d’entretien.

De cette étude, il ressort l’importance des « phases de placement ». Ces phases instantanées sont mises en évidence à différentes occasions : à la craie au tableau, des mimes avec leur corps, des descriptions verbales, des manipulations du gymnaste. Ces sont des processus par lesquels des entraîneurs se rendaient intelligible l’activité des gymnastes.
Les intelligibilités repérées sont au nombre de trois :
Intelligibilité du mouvement : Le bon placement représente le socle du savoir-faire. Il s’agissait de micro-temporalité à l’échelle d’une fraction de seconde avec des « là, là ! » pour accentuer le moment choisi. La dimension spatiale distingue la connaissance de l’espace postural et la connaissance de l’espace de déplacement. Pour l’espace postural, les entraîneurs rapportaient des entités corporelles de façon récurrente liées à la nature de l’habileté et des formes de corps à des types géométriques (lignes, courbes, angles). Pour l’espace de déplacement, il s’agissait de repérage du mouvement corporel dans le référentiel de l’agrès en termes de verticale/horizontale/oblique. Cette connaissance formelle intégrait donc une dimension dynamique du mouvement corporel.
Intelligibilité des intentions : D’une part, les aspects praxiques concernaient les propriétés de l’action durant la phase de placement tant pendant l’action proprement dite que durant des moments de dialogue. D’autre part, les aspects sensibles sont les sensations d’ordre kinesthésique ou somesthésique que le gymnaste éprouve en cours d’action. L’entraîneur doit pouvoir intégrer une dimension émotionnelle appartenant au gymnaste entrainé ou au propre vécu de l’entraineur lorsqu’il était gymnaste. L’intelligibilité personnelle du gymnaste concernait à déterminer les paramètres de force et de souplesse en fonction des caractéristiques physiques et l’histoire propre du gymnaste.
L’intelligibilité « bricolée » : Les entraîneurs ont montré de façon récurrente des moments où ils étaient en défaut d’interprétation. Des interventions intuitives ne découlaient pas d’analyses délibérées et réfléchies. Le fait qu’il dise « il faut essayer » suggère l’idée que la situation pressait l’entraîneur qui ne parvenait plus à articuler de façon réfléchie les moyens et des fins.

Discussion :
Les entraîneurs manifestent une compréhension fine et analytique des dimensions cinématiques du mouvement corporel. Cela intègre les aspects intentionnels et les caractéristiques personnelles du gymnaste. Les entraîneurs portent un jugement relatif aux morphologies connues du gymnaste ainsi que sur le placement et ses circonstances. Ce qu’ils retiennent de pertinent comme paramètres apparaissent in situ au fil des interprétations. Ils interviennent sur l’humain et son mouvement gymnique en prenant en compte ses intentions et ses sensations. Les causalités évoquées par les entraîneurs sont constatées par le biais d’une construction intuitive et empathique du mouvement corporel. Le modèle à l’échelle de Black (1962, [5]) est fait pour caractériser l’intelligibilité. C’est un modèle théorique où l’entraîneur a besoin d’une saisie intuitive constituée d’inférences et de spéculations. C’est une modélisation bricolée, ne relevant pas du scientifique, qui intervenait quand l’entraîneur se trouvait à défaut d’interprétation.
Pour l’enseignant, une place importante doit être reconnue à l’invention, à l’improvisation ; c’est-à-dire l’émission de nouvelles hypothèses selon le mode intuitif. La simplexité définie par Berthoz [6] est un ensemble de processus complexes transparents pour l’organisme qui la réalise. En gymnastique, la complexité qui émerge de cet ensemble est différente de celle qui caractérise d’autres sports où domine l’incertitude évènementielle. Ils attribuent un sens au mouvement quand les diagnostiques techniques ne correspondent pas aux attentes de l’entraîneur. C’est ici que s’articulent complexité et simplicité car ce sens constitué rend simple les perceptions et les jugements des entraîneurs. Ces derniers apportent de l’importance au rôle de l’expérience sans cesse renouvelée.
Pistes de formation des entraineurs :
Toute modification innovante des dispositifs de formation suppose de prendre en considération les dimensions culturelle, institutionnelle et sociale de la formation, débordant largement l’aspect instrumental des situations. Il existe une forme de compagnonnage où la plupart des entraîneurs sont eux-mêmes d’anciens gymnastes. Cette étude tend à montrer que les connaissances que mobilise l’entraîneur en situation se laissent difficilement formaliser. Ce sont des dimensions intentionnelles fortement liées à l’expérience, aux spéculations élaborées sur le ressenti du gymnaste. L’étude de cas engage plus précisément à « penser par cas ». Cela fait émerger des problèmes spécifiques à résoudre. Ainsi considérée, la formation par études de cas est intéressante à rapprocher de la compétence du « bricoleur ».
L’Institut National de Recherche Pédagogique développe un outil de formation des enseignants sous forme d’une plateforme en ligne ; ce sont des situations de classes filmées et commentées par des enseignants débutants, expérimentés et des chercheurs. L’enjeu de formation ne peut pas être celui d’une généralisation stricte des propriétés du cas à tout cas ressemblant rencontré au cours de l’expérience professionnelle. Il serait plutôt de l’ordre de la « vérisimilitude » [7], ce qui signifie de connecter deux cas reconnus comme similaire pour avoir la possibilité d’avoir un traitement analogique. L’instrumentation de la formation par l’étude de cas devrait permettre l’intégration du contenu technologique dans une perspective plus ouverte sur la nécessité de « bricoler en situation » de l’entraîneur.
Finalement, cette étude rapproche l’activité de celle du bricoleur en prise avec la complexité des situations. Cette stratégie est conçue pour mettre à disposition les « ressources cognitives » leur permettant de faire face à la nécessité de comprendre et de savoir comment intervenir « sur le champ » pour les guider.


Dialogue :

Comme énoncé en début de page, l’intérêt d’analyser cet article s’est porté sur sa motivation à mettre en valeur les stratégies opératoires que développe l’entraîneur en situation de travail. Ce métier reflète cette distinction entre l’enseignement scientifique et théorique d’une part et les connaissances ensuite mises en pratique. Il est commun d’entendre des travailleurs, de quelque milieu qu’il soit, opposer et non pas rassembler ses connaissances théoriques et pratiques. A fortiori quand il s’agit de métier imprégnés de relations humaines complexes et sensibles comme dans le domaine de l’enseignement ou du soin. Certains iront même à marginaliser leur formation initiale pour la qualifier d’un simple permis d’exercer. L’initiative des auteurs à mettre en valeur la démarche empirique donne des éléments de réflexions sur cette dualité à laquelle l’opérateur est constamment soumis.

Les connaissances et leurs transmissions d’une personne à une autre s’inscriraient dans les enjeux de domination sociale. Cela fait certainement référence aux relations tuteur/tutoré présentes dans l’enseignement. Le tuteur pourrait être alors le bénéficiaire de cette relation car il doit revisiter ses propres connaissances et les restituer au tutoré, ce qui lui permet une meilleure assimilation et une intelligibilité réorganisée de ses connaissances. L’apprenti aura une assimilation plus linéaire partant d’une compréhension implicite pour ensuite la manifester de manière explicite. Arrive-t-il que « l’élève dépasse le maître » ? A ce moment-là, le tutoré devient le bénéficiaire de l’apprentissage car cette expression sous-entend qu’il va pouvoir nourrir cette relation, acquise par les deux acteurs, de nouvelles connaissances avec l’avantage de pouvoir se les approprier. Le tuteur ne pourra que constater qu’un œil nouveau s’assimilant à un regard objectif peut amener une valeur ajoutée certaine à la constitution de connaissances supplémentaires.
Concernant le type de connaissance, les auteurs constatent que le technico-pratique est dominé par le théorique de manière sociétale. Cela pourrait faire référence à l’intégration des connaissances que cela induit. Si le savoir technique à force de pratique s’intègre de manière procédurale, il en sera difficilement de même pour le savoir théorique qui s’intégrera dans la mémoire sémantique ou lexicale. Par conséquent, il serait moins aisé de valoriser et d’expliciter des savoirs d’origine procédurale qui peu à peu se manifestent de manière inconsciente et non-intelligible. Les connaissances pratiques provenant de l’expérience propre à chacun sont un atout indéniable pour les entraîneurs. Il est possible d’extrapoler ce constat aux disciplines soignantes et les autres métiers où la relation humaine est un pivot central de l’activité. En effet, les opérateurs, les acteurs soulignent régulièrement le caractère spécifique de chaque prise en charge thérapeutique et la capacité de ces situations à nourrir sa propre expérience. Les compétences théoriques acquises ne deviennent qu’un ayant droit marginalisé tout comme ici pour les entraîneurs. Les relations humaines sont devenues, dans beaucoup de métiers, le socle des principales interactions entre l’opérateur et le bénéficiaire de l’activité produite. Il est curieux de constater que la formation initiale laisse le soin à l’expérience de chacun de s’armer à ces interactions socio-professionnelles. Faute de socle sémantique commun à ces interactions, une grande partie de ces savoirs à l’expérience « se procéduralisera » et par conséquent se partagera difficilement entre opérateurs de manière intelligible.
L’instruction au sosie a été présentée comme le mode d’entretien de cette étude constatant que les chercheurs étaient eux-mêmes des entraîneurs de gymnastique. Cela a permis de révéler l’empathie et l’expérience subjective de l’entraîneur étudié. Cependant, peut-on s’interroger sur l’amplitude du champ d’investigation analysé par les chercheurs prenant en compte le principe d’instruction au sosie. L’interprétation des données révélées peut être la résultante d’un double traitement à la fois par l’objectivité du chercheur et par la subjectivité empathique de l’entraîneur. D’autre part, les réponses restituées par les entraîneurs étudiées vont être conditionnées par le fait qu’il connaisse la double identité du chercheur. Prenons un exemple caricatural comme l’entretien d’un délinquant avec un policier, il est clair que le délinquant aura du mal à avouer les tenants et aboutissants de son crime connaissant l’identité de son interlocuteur. Le contenu de son discours sera tout autre s’il parlait à un de ses pairs. Alors la question se pose de savoir quelle contenu d’entretien privilégié. Si la motivation est d’obtenir un discours où l’interviewer veut avoir accès aux récits des faits et gestes du questionné, il serait préférable que les deux acteurs soient distincts dans leurs objectifs et leurs compétences. Si l’objectif est de recueillir les intentions et les perceptions du questionné, une instruction au sosie serait plus adéquat notamment pour la relation empathique qui permet de rapporter des situations par effet miroir. Pour approfondir ce versant méthodologique de cette étude, il aurait été intéressant de développer différents types d’entretien avec les entraîneurs avec une instruction au sosie comme dans l’étude décrite, une instruction à un « sosie et demi » avec deux domaines de jumelage, le sport et l’entraînement, et enfin un entretien avec un chercheur spécialiste de la problématique et du but de l’étude mais sans affinité précise avec le sport ni l’entraînement. Ainsi la saisie des données de ces 3 à 4 entretiens différents pourrait constituer matière à réflexion et argumentation scientifique confrontant le subjectif à l’objectif, allant d’un caractère « sympathique » de la relation à un caractère « empathique » voire strictement « apathique ».
En valorisant le questionnement empirique in situ par rapport aux connaissances théoriques acquises au préalable, les auteurs de cet article mettent en valeur également un des principes fondamentaux de l’ergonomie. En effet par analogie, la distinction peut se faire entre l’activité prescrite représentée par le contenu de la formation initiale des entraîneurs et le travail réel retrouvé dans les stratégies opératoires dites « bricolées » pour résoudre les problématiques en temps réel.
Rolland et Cizeron [1] soutiennent que pour toute modification innovante des dispositifs de formation, cela suppose de prendre en considération les dimensions culturelle, institutionnelle et sociale de la formation. Et cela déborde de l’aspect instrumental des situations. C’est une notion qui n’est pas à négliger en ergonomie. En effet, il faut déterminer un contrat sur les objectifs à atteindre afin de choisir les observables et développer les outils d’analyse adéquats. De ces premières étapes découleront des préconisations dont la formation et son cadre avaient pu être négociés avec les acteurs et les promoteurs de ce projet. Dans le cas pratique des entraîneurs et l’étude réalisée ci-dessus, il serait intéressant de développer un modèle d’analyse à partir des différentes catégories dans les phases de placement. Cela permettra de transférer ces connaissances à priori personnelles vers un socle commun à tous les entraîneurs jusqu’à créer un nouvel espace d’interaction, une « agora » profitable à tout ce corps de métier. Les problématiques individuelles rencontrées comme le défaut d’interprétation et leur nécessité d’une réponse immédiate peuvent être précisées de façon collective et consensuelle. Est-il utile de réagir précipitamment, le gymnaste a-t-il besoin d’obtenir une réponse maintenant ? Le temps du recul et de la réflexion n’est-il pas utile à chaque agoniste ? Toutes les problématiques doivent-elles avoir une réponse explicite ou peut-elle se résoudre implicitement ? La gymnastique est une discipline qui nécessite une dose de maitrise et de contrôle de soi-même très importante. Transposer cette nécessité de maitrise dans l’acquisition des connaissances est-il inéluctable ?
Considérons des champs d’investigation implicite d’une part et explicite d’autre part. Snylwar [8] mettait en évidence que des opérateurs étaient obligés de « ne pas faire » certaines activités pour « faire » d’autres activités. Cela sous-entendait de respecter la procédure prescrite au détriment de stratégies opératoires qui auraient pourtant valu de désamorcer certaines problématiques. C’est une analyse qui reste dans le champ de l’explicite mais elle ouvre le débat sur le fait que la productivité d’une action peut-être la résultante d’une activité « faite » associée à une activité « pas faite ». Or, comme il a été souligné à maintes reprises dans ce texte les activités sont constituées tout autant d’activités explicites qu’implicites. La solution amène à concevoir que pour une problématique donnée, la démarche serait de « laisser faire » une situation pour pouvoir « faire » une autre situation.


NS.

[2] Cizeron M. Croyances factuelles et croyances représentationnelles : les bases anthropo-cognitives de l’expertise en enseignement scolaire de gymnastique. Thèse de 3èmes cycle en STAPS. Rennes 2
[3].Laplantine F. L’anthroplogie. Paris : PayoT. 2001
[4] Oddone I, Briante G. trad.1981. Redécouvrir l’expérience ouvrière. Vers une autre psychologie du travail ? Paris : Ed Logiques
[5] Black M. Models and metaphors, studies in language and philosophy. New York : Cornell Univeristy Press. 1962
[6] Berthoz A. La simplexité. Paris : Odile Jacob. 2009
[7] Tochon FV. L’enseignant expert. Paris : Nathan. 1993

Pour aller plus loin dans la relation de tutorat :
            http://www.fcomte.iufm.fr/ejrieps/ejournal8/Lafont.pdf

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire